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Après le combat d’idées, le combat tout court

Avec l’asbl «Weerbaar», le groupe d’action nationaliste flamand Schild & Vrienden, emmené par Dries Van Langenhove, s’est trouvé une nouvelle arène. Au programme : propagande suprémaciste déguisée et formation aux sports de contact.

Dimanche 2 avril 2023, 17 heures. Sur le compte Telegram «Active Club», qui comptabilise près de 5 200 affiliés, une vidéo attire l’attention. Elle est signée «Active Club Dietsland», du nom de la déclinaison néerlandaise du mouvement. Sur une musique rythmée, des individus musclés et encagoulés, vêtus de noir, enchaînent exercices physiques et mouvements de sports de combat : tractions, pompes, corde à sauter, session de frappes aux paos… et étalage du drapeau nationaliste de la faction en prime. La vidéo dure vingt secondes. L’esthétique est soignée, les plans variés. Le montage, nerveux et professionnel.

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Pari réussi puisque en commentaire, M. alpague les auteurs : «Comment puis-je mettre sur pied un Active Club en Flandre ?» Sur ses photos, l’intéressé arbore des tatouages propres aux milieux néonazis et hooligans : un ACAB («All Cops Are Bastards» ou «All Communists Are Bastards») marque son cou et une toile d’araignée enrobe son coude. «Commence par lancer un Active Club en solo et filme-toi pour en inspirer d’autres», lui lancent les Néerlandais. Ils insistent sur la qualité des vidéos, dont dépendra l’adhésion de futurs membres. Visiblement séduit par la rhétorique guerrière, M. affirme qu’il débutera seul, dans son jardin et sur son sac de frappe, en attendant la constitution d’un collectif plus structuré du côté belge de la frontière. Il l’ignore pour le moment, mais ces groupes existent déjà.

Des guerriers blancs

Les Active Clubs apparaissent aux Etats-Unis en 2020, avec la diffusion du «Active Club Podcast», lancé par Robert Rundo et Denis Kapustin (Nikitin, de son vrai nom). Les deux hommes sont loin d’être des plaisantins. Le premier est un néonazi américain influent qui a déjà purgé une peine de prison pour avoir poignardé un membre d’un gang rival en 2009 et le leader du mouvement suprémaciste blanc Rise Above Movement (RAM). Arrêté en Roumanie en août 2023 alors qu’il tentait de fuir la justice américaine, Rundo fut extradé vers les Etats-Unis où il fait face à des accusations liées à de violents affrontements avec des manifestants antifascistes en 2017 à Charlottesville, en Virginie. Pour sa part, Kasputin est un néonazi et hooligan russe. Propriétaire de la marque de vêtements pour nationalistes blancs, White Rex, il a largement contribué à l’essaimage d’Active Clubs en Europe. Il a aujourd’hui pris les armes sur le front ukrainien, où il dirige le Corps des volontaires russes (GRU), une milice d’extrême droite composée de citoyens russes qui se bat contre l’armée d’invasion de Poutine.

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Le mouvement Active Clubs épouse les thèses racistes qui prophétisent «un génocide ethnique» et le «grand remplacement» des populations blanches et catholiques par celles issues de l’immigration. La préparation au combat culturel et physique leur semble donc indispensable. Au-delà de l’endoctrinement fasciste et la diffusion sauvage de propagande sur la voie publique, ils entendent révolutionner l’extrémisme de droite en le rendant «plus sophistiqué, plus subtil». Les Active Clubs sont érigés en mode de vie sain. Leurs membres sont invités à normaliser le fascisme et le nationalisme à chaque coin de rue et à chaque prise de parole au travers de symboles codés à l’attention des initiés.

«La campagne de recrutement des Active Clubs cible spécifiquement les soi-disant loosers. (...) C’est alarmant parce qu’il s’agit d’hommes vulnérables, à la masculinité fragile et ayant une tendance à la violence.»
Alexandre Ritzmann, chercheur au Counter Extremism Project et conseiller de l'Union Européenne sur la radicalisation

Pour préserver la culture blanche et gagner la «guerre ethnique», Rundo et Kapustin préconisent la manière forte. Ils se donnent pour mission de former les Blancs en proposant des entraînements d’arts martiaux mixtes (MMA) qui offrent de nouvelles compétences en cas de ratonnades et autres actions musclées. «Les Active Clubs ne recherchent pas des combattants parfaitement accomplis. Ils recherchent des hommes blancs qu’ils peuvent transformer en guerriers blancs, précise Alexander Ritzmann, chercheur au Counter Extremism Project et conseiller de l’Union européenne sur la radicalisation. La campagne de recrutement des Active Clubs cible spécifiquement les soi-disant losers. Elle s’adresse aux personnes qui ont le sentiment de ne pas s’en sortir dans la société, qui ont subi des humiliations et à qui l’on promet statut et pouvoir à condition de rejoindre le club. C’est alarmant parce qu’il s’agit d’hommes vulnérables, à la masculinité fragile et ayant une tendance à la violence.»

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Sous les radars

Pour les deux néonazis, le message des Active Clubs est clair : développer une résistance sans chef. Ils exhortent les réseaux d’extrême droite à fonder des Active Clubs locaux capables d’être mobilisés « au cas où ». La force de ce modèle décentralisé réside dans le fait que ces groupuscules peuvent plus facilement se soustraire aux radars des autorités et des services de renseignement.

Le réseau ne cesse de s’étendre. Alors que les Etats-Unis recensent des Active Clubs dans au moins 33 Etats, ces groupes se multiplient en Europe en toute discrétion. En France, une vingtaine de groupuscules violents s’en revendiquent. Malgré leur dissolution régulière, le pays subit une flambée de violence imputée à l’ultradroite.

Aux Pays-Bas, nos recherches montrent l’existence de cinq «clubs d’arts martiaux nationalistes», dont deux portent le nom d’Active Club. Le mouvement a également essaimé dans nos régions : ses idées et sa vision de la société percolent des deux côtés de la frontière linguistique du pays. Avec un développement à deux vitesses : des associations structurées apparaissent au nord tandis que le mouvement reste fragmenté au sud.

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«Restez résilients»

En Belgique, seul un groupe se revendique de l’appellation d’origine «Active Clubs». Créé le 17 septembre 2023, Active Club Flanders semble être le fait d’adolescents ou de jeunes hommes qui embrassent les idéaux du mouvement. Dans leur canal Telegram, qui compte une centaine d’abonnés, ils se photographient dans une salle de sport et enjoignent leurs spectateurs à «rester Weerbaar» – comprenez «Résilients». Les administrateurs précisent qu’un Active Club Limbourg existe à Hasselt.

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Depuis son émergence, le canal reste discret et son activité limitée à trois posts. Le dernier se fait l’écho d’un nouveau mouvement transnationaliste identitaire, Action Radar Europe. Au cœur de cette vidéo de propagande : Dries Van Langenhove. Cet ex-député de l’extrême droite flamande, à l’époque élu comme indépendant sur une liste du Vlaams Belang, est le principal prévenu dans le procès du groupe Schild & Vrienden (S&V, bouclier et amis, en français) dont il est le fondateur. Aux côtés de six coaccusés, il est poursuivi, notamment, pour infraction à la loi sur le racisme et le négationnisme.

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Depuis que la VRT a mis en lumière les contenus racistes et antisémites de Schild & Vrienden, son patron a quitté l’arène politique et se concentre sur l’asbl Weerbaar qu’il a lancée en 2020 et qui entend «rendre la jeunesse flamande plus résiliente, mentalement et physiquement». Dans un hangar aménagé, cette association organise des sessions de sport de combat, que nous avons infiltrées.

Communication codée, contenus violents et culte du corps

Mercredi 10 janvier, les températures glaciales ont découragé beaucoup de réguliers du cours de kickboxing de Weerbaar. Seule une poignée de personnes, dont Dries Van Langenhove, se présentent à la session du jour. Pour le coach J., «Weerbaar est un groupe de personnes qui veulent accomplir quelque chose : une équipe de guerriers». En moyenne, une douzaine de boxeurs se présentent aux séances d’entraînement.

La décoration des lieux est éloquente : deux drapeaux flamingants et un drapeau du Prince ornent les murs du club. Ancienne bannière des Orangistes néerlandais, le drapeau princier fait désormais figure d’étendard pour le «nationalisme thiois» qui prône la création d’un Etat réunissant tous les néerlandophones. On nous l’assure : le prosélytisme idéologique est mis en sourdine dans le cadre de ces séances. Pourtant, notre partenaire du jour, R., un proche lieutenant de Dries Van Langenhove, s’entraîne avec son teeshirt de Schild & Vrienden. Il porte aussi son attirail à l’effigie du groupe nationaliste lorsqu’il boxe dans une salle à Bruges, la Brugse Beer, qu’il rebaptise volontiers «Bruges Active Club». «Presque tous les Blancs de ce club ont les mêmes idées. Les autres sont tous musulmans. Mais on ne parle pas de politique au club.»

Dans un de ses podcasts, Robert Rundo a détaillé les ingrédients nécessaires pour lancer un Active Club. Principal conseil : une communication codée abondante sur des réseaux sociaux, comme Telegram.

Il y fait allusion aux «sifflets à chiens», une technique qui avance que, à l’image des ultrasons d’un sifflet que seuls les canidés peuvent percevoir, l’usage de termes a priori innocents résonne différemment auprès d’un public initié.

L’extrême droite radicale adresse ainsi à sa base des messages politiques masqués truffés de références fascistes, extrémistes ou néonazies. Des allusions qui renforcent le récit racial radical du «nous contre eux».

Si aucun endoctrinement explicite n’a lieu lors des séances de boxe de Weerbaar, la connexion entre la préparation physique et idéologique s’opère bien en ligne. Le compte Instagram du club et celui de son fondateur servent de vitrines aux séances sportives et tissent la matrice idéologique du groupe.

A ses 67 000 followers, Dries Van Langenhove diffuse aussi des contenus guerriers ou violents qui désignent certains groupes ethniques ou religieux. Il joue la carte de l’indignation, de la victimisation et appelle à défendre l’Europe qu’il dit submergée par l’immigration.

Le «boss final» de Schild & Vrienden, comme il aime se faire appeler, ne cesse de se mettre en scène : dans une vidéo postée le 21 novembre dernier et tournée lors d’un entraînement de son club à Opwijk, l’ex-député appelle ses abonnés à devenir Résilients. «Mens sana in corpore sano», lance-t-il d’un ton décidé. Pour combattre l’ennemi, il faut opter pour un mode de vie sain, assène-t-il. Son message se termine sur une injonction – «Get active !» – qui n’a rien d’anodin.

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«Ces justifications, de l’exercice physique comme de la nécessité de combattre l'insécurité grandissante dans les rues en raison des défaillances de l'Etat, sont classiques, analyse Benjamin Biard, politologue du Crisp, spécialiste de l’extrême droite. Ce qui l’est moins, en Belgique, c’est la théorie accélérationniste selon laquelle notre société de la diversité est vouée à un affrontement civil et qu’il faut accélérer le mouvement. La “race blanche” devrait donc se préparer à combattre “l’ennemi”, principalement une population immigrée d’origine arabo-musulmane.»

OK n'est plus OK

Bien que le compte Instagram de Weerbaar n’affiche aucune publication, ses stories ont séduit plus de quatre mille abonnés avec des symboles cachés. L’un des derniers exemples en date illustre une séance de boxe avec G., un bras droit de Dries Van Langenhove au sein de S&V. Il porte des bandes de boxe de la marque Pugnawear, dont le logo est une mitraillette MP40. Ce modèle a été particulièrement utilisé par la Wehrmacht de l’Allemagne nazie et reste un symbole répandu au sein de groupuscules français radicaux.

Les exemples de cette symbolique codée foisonnent sur les comptes officiels de S&V et de plusieurs de ses membres qui font la promotion de Weerbaar.

Sur le t-shirt 'A race against time' figure aussi le chiffre romain "MCDLXXXVIII" ou "1488". Le 14 fait référence aux slogans du néonazi David Lane, le 88 à la septième lettre de l'alphabet : HH pour "Heil Hitler". (DR)

Un sympathisant prend la pose, un verre de lait dans la main droite, exécutant un signe OK de la main gauche. Dans les milieux extrémistes, ce geste dessine les lettres W et P, pour «White Power», et témoigne d’un ralliement à la suprématie blanche.

Autre exemple : au salut hitlérien, notre partenaire d’entraînement R. semble préférer son alternative, le salut de Kühnen, fréquemment utilisé pour contourner les législations qui interdisent le salut nazi. Le geste n’est pas franc mais le nationaliste en connaît les connotions et s’amuse de l’ambiguïté de la pose, qui a déjà fait l’objet d’une condamnation en Belgique.

Sur le t-shirt 'A race against time' figure aussi le chiffre romain "MCDLXXXVIII" ou "1488". Le 14 fait référence aux slogans du néonazi David Lane, le 88 à la septième lettre de l'alphabet : HH pour "Heil Hitler". (DR)

Sur le t-shirt 'A race against time' figure aussi le chiffre romain "MCDLXXXVIII" ou "1488". Le 14 fait référence aux slogans du néonazi David Lane, le 88 à la septième lettre de l'alphabet : HH pour "Heil Hitler". (DR)

Loyauté requise

En parallèle de la communication publique de Weerbaar, un groupe privé Telegram a été créé pour structurer les activités de l’association. Le 12 janvier 2023, en qualité de «nouveau boxeur» du club, nous y avons eu accès. Sur la centaine de membres, nous avons pu en identifier 38, aux profils fort semblables : beaucoup d’hommes, parfois des adolescents, très peu de femmes.

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Si tous les adhérents de Weerbaar ne sont pas perméables au récit racial, beaucoup y adhèrent pleinement, à l’image de têtes connues de la fachosphère flamande, tous militants de Schild & Vrienden. L’homme qui exhibait des bandes de boxe avec des MP40 en fait partie. G. se présente sur les réseaux sous le nom de «blauwvoetkerel», un surnom tiré du célèbre chant de bataille du mouvement étudiant catholique flamand. Cet amateur d’armes à feu et de ferronnerie, apparu sur des photos des jeunes du Vlaams Belang, distille aujourd’hui des idées qui reflètent le symbole de la jeunesse identitaire qu’il s’est tatoué sur le bras droit.

Notre sparring partner du jour, R., exhibe également son nationalisme radical sur Telegram. Sa photo de profil annonce la couleur. Encagoulé, une hache à la main, montrant un texte latin en surimpression : pulchrum pro patria mori («il est beau de mourir pour la patrie»).

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Tant R. que R. – un autre fidèle lieutenant de Van Langenhove –, omniprésents sur Weerbaar et dans sa propagande, ont un passé militaire. Le premier a reçu une formation sur le chasseur de mines Lobelia (M921) en 2020, le second apparaît en uniforme sur des photos officielles de septembre 2019 à février 2021. Les services de renseignement militaires belges (SGRS) n’ont pas voulu commenter ces informations.

(DR) Deux membres de Weerbaar et Schild & Vrienden ont un “passé militaire”. L’un d’eux apparaît sur des photos officielles jusqu’en février 2021.

(DR) Deux membres de Weerbaar et Schild & Vrienden ont un “passé militaire”. L’un d’eux apparaît sur des photos officielles jusqu’en février 2021.

Pourtant, ces deux membres de Weerbaar ne sont pas les seuls à être rompus au maniement des armes. S., alias Victor Hugo, courtise aussi les milieux d’extrême droite depuis longtemps. Ancien membre actif des Jeunes du Vlaams Belang et de S&V, le natif de Halle expose régulièrement ses muscles et le soleil noir – symbole SS nazi – qu’il s’est tatoué sur la poitrine. Après cinq années à la Légion étrangère, il met désormais ses compétences au service de la société de sécurité privée European Bodyguard and Security Service Association (EBSSA). Il y est devenu instructeur de tactiques en mer et de manipulation d’armes lourdes ou de précision.

Des politiques sur le ring 

«Pour l’autodéfense.» En novembre 1991 déjà, alors que le Vlaams Blok s’apprête à bouleverser la politique belge en effectuant une percée électorale sans précédent, Filip Dewinter scande à tue-tête cet appel à se défendre dans le cadre de sa campagne. Pour appuyer son propos, il brandit deux gants de boxe. Trente ans plus tard, l’image et le discours n’ont pas pris une ride.

Aujourd’hui, aux côtés d’étudiants issus des organisations nationalistes flamandes du KVHV et du NSV, le groupe Weerbaar comprend un mandataire de la N-VA à Wijnegem et au moins cinq mandataires qui siègent dans des conseils locaux du Vlaams Belang (VB). J. est d’ailleurs conseiller politique du Vlaams Belang à la Chambre sur les matières Affaires étrangères, Union européenne et Défense. Il avait aussi occupé une place sur la liste électorale de la N-VA à Puurs-Sint-Amands en 2018 mais en a disparu presque instantanément au lendemain de l’enquête de la VRT sur Schild & Vrienden. Alors qu’il niait y appartenir, il boxe aujourd’hui au sein du groupe Weerbaar.

Outre Van Langenhove, le conseil d’administration de l’asbl Weerbaar est lui-même composé de deux mandataires locaux du Vlaams Belang : H. à Zemst et J. à Sint-Niklaas. Ce dernier fait partie des coaccusés dans le procès de Schild & Vrienden. Il administrait le groupe Facebook privé du mouvement nationaliste.

Si aucun ténor du Vlaams Belang ne boxe sur le ring de Weerbaar, il faut croire que la rhétorique guerrière a tout de même séduit les hautes sphères du parti. Tant la section jeune du parti que son président se lancent dans la discipline. Le 25 mai 2023, Tom Van Grieken s’est offert un cours avec Sergei Ballegeer, surnommé Brugse Beer (l’ours brugeois). Cet ancien kickboxeur professionnel dirige la salle du même nom à Bruges, où pratiquent plusieurs membres de Weerbaar, de Schild & Vrienden et de sa sous-faction Feniks, qui s’était farouchement opposée à la politique sanitaire lors des mobilisations antivax en 2021.

Si aucun ténor du Vlaams Belang ne boxe sur le ring de Weerbaar, son président Tom Van Grieken s'est malgré tout offert un cours, le 25 mai 2023, avec Sergei Ballegeer, surnommé l’ours brugeois. (DR)

Si aucun ténor du Vlaams Belang ne boxe sur le ring de Weerbaar, son président Tom Van Grieken s'est malgré tout offert un cours, le 25 mai 2023, avec Sergei Ballegeer, surnommé l’ours brugeois. (DR)

Des hommes et des muscles

Les entraînements de Weerbaar sont généralement donnés par J. et M. Le premier est un ancien compétiteur qui travaillerait dans les cryptomonnaies. Le second combat toujours pour un club à Opwijk, le Celtix. Tous deux sont bénévoles. Il faut dire que le prix de l’adhésion est dérisoire et permettrait difficilement de rémunérer un entraîneur en temps normal : dix euros par mois, pour deux à trois séances hebdomadaires avec accès au matériel de fitness. Un abonnement similaire dans un club professionnel coûterait cinq fois ce prix. Et lorsque les deux coachs ne sont pas disponibles, c’est Dries himself qui assure le service.

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Dernièrement sur Telegram, Weerbaar a annoncé l’organisation prochaine de sessions supplémentaires, dédiées cette fois au jiu-jitsu. Un pas de plus vers le modèle original des Active Clubs américains et du MMA qui y est enseigné. De nouveaux arguments sont déployés avec la même rhétorique : des hommes et des muscles.

Dries Van Langenhove, le Vlaams Belang et Sergei Ballegeer réagissent

Dries Van Langenhove a répondu par écrit aux questions du Vif. A la question de savoir si le fait qu'un des formateurs de Weerbaar a participé à une bagarre de rue était problématique, Dries Van Langenhove a répondu : « La plupart des hommes que je connais ont participé à ce que l’on appelle une “bagarre de rue” à un moment ou à un autre. Pour certains, dont je fais partie, ce fut plus d’une fois le cas. N’avez-vous jamais dû prendre la défense d’un ami qui a fait une mauvaise rencontre ? Je ne vois donc pas pourquoi je devrais renvoyer un entraîneur qui s’est déjà battu en rue. » Dries Van Langenhove souligne également que « le meilleur combat est celui qui a pu être évité. Dans un club d’arts martiaux, on apprend que le respect mutuel est très important et que le combat doit se cantonner au ring. »

A la question de savoir pourquoi Weerbaar recourt, dans sa publicité, à des images violentes dans lesquelles l’origine de l’auteur d’une l’infraction est sous-entendue, M. Van Langenhove répond que « Weerbaar ne fait pas de publicité ». Dries Van Langenhove nie également que Weerbaar soit un Active Club. « Weerbaar existe depuis 2017, nous organisions déjà des cours [dans un local] loué. En 2019, nous avons acquis notre propre local, pour lequel nous avons créé une asbl en 2020. Soit un an avant la création de l’Active Club Network aux Etats-Unis, en 2021. »

M. Van Langenhove réfute l’accusation selon laquelle il croirait en la « suprématie blanche » : « Les “Blancs” n’existent pas en tant que tels, donc la suprématie blanche non plus. Si vous souhaitez me poser des questions plus approfondies sur ma croyance en la suprématie blanche, faites-le en partant de ce postulat. L’idée de suprématie implique qu’une race serait supérieure à toutes les autres en tous points, ce qui, factuellement, n’est pas correct. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi cela aurait un rapport avec notre club de sports de combat, Weerbaar. » Selon M. Van Langenhove, les membres de Weerbaar ne courent aucun risque de radicalisation. « Chez Weerbaar, les jeunes Flamands peuvent transformer leurs frustrations en énergie positive. Ils y tissent d’ailleurs des liens solides avec des jeunes allochtones qui pratiquent la boxe chez nous. »

Sur le plan financier, Van Langenhove affirme ne tirer aucun profit de Weerbaar. « Ce n’est pas notre objectif. Nous souhaitons proposer des cours de sports de combat et d’autres activités qui soient accessibles aux jeunes Flamands. Un augmentation des tarifs serait un obstacle. » 

Vlaams Belang

Le Vlaams Belang a répondu par écrit : « L’asbl Weerbaar est indépendante du Vlaams Belang. Le fait que nos membres soient actifs dans un club sportif relève de leur libre choix. Le Vlaams Belang n’essaie en aucune manière de diffuser son idéologie politique au sein ou par l’intermédiaire de clubs sportifs. »

Sergei Ballegeer

Lors d’une conversation téléphonique avec la rédaction, Sergei Ballegeer a souligné que le racisme ne pouvait être toléré dans un club de boxe. « Mon club compte 250 membres. Au Brugse Beer, les garçons et les filles qui s’entraînent sont de vingt nationalités et préférences politiques différentes. » Interrogé au sujet de la photo où il apparaît avec le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, Sergei Ballegeer n’a pas voulu s’étendre : « Je n’ai pas d’opinion politique », déclare-t-il.