Comment l'extrême droite recrute clandestinement grâce aux sports de combat

Enquête sur les Active Clubs

La violence fait depuis toujours partie de l’histoire de l’extrême droite. Elle s'inscrit dans l'ADN des milieux les plus radicaux : les militants se forment à des techniques de combat dans des Active Clubs, afin de remporter “la guerre ethnique” qu’ils pensent imminente.

par Gaëtan Gras

En Europe, les Actives Clubs enregistrent un nombre croissant d’adhérents. Importés des Etats-Unis, ces clubs d’arts martiaux mixtes (MMA) informels réunissent des individus qui partagent des idées d’extrême-droite et glorifient une vision masculiniste, viriliste et raciste de la société.

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Leurs militants prônent un nationalisme exacerbé et militent pour un retour aux valeurs traditionnelles qui, selon eux, se délitent au contact d’une société multiculturelle “parasitée”. Ils s'entraînent au combat dans l’optique d’une confrontation prochaine avec “l’Autre”.

Le discours de ces clubs est rodé et leur machine communicationnelle bien huilée. A coups de vidéos, de photos et de podcasts, les Active Clubs recrutent et récitent leur mantra: des esprits sains dans des corps sains. Ces aspirations affichées publiquement s’accompagnent d’autres exigences à l’abri des regards : être un Blanc suprémaciste prêt à en découdre avec les étrangers.

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Des prémices en Belgique

Après être apparus aux Etats-Unis en 2020, les Active Clubs se sont progressivement propagés sur le continent européen comme en France, au Danemark, en Italie ou en Finlande. Selon Alexander Ritzmann, chercheur au Counter Extremism Project et conseiller de l'Union Européenne sur la radicalisation, les Active Clubs s’implantent dans des pays où ce genre de groupes d’extrême droite n’existent pas encore.

Les Pays-Bas et la Belgique observent, à des degrés divers, les prémices de telles organisations. Les autorités néerlandaises prêtent une attention particulière à l’émergence d’Active Clubs qui se structurent progressivement.

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En Belgique, pas de trace d’Active Clubs. Du moins, officiellement. Dans son dernier rapport annuel, la Sûreté de l’Etat (VSSE) se dit “mise au défi par la menace terroriste qui émane de l’extrémisme de droite et focalisée sur des individus, souvent isolés, qui ont l’intention de recourir à la violence”. Pourtant, certains groupes d’action nationalistes belges adoptent les mêmes dynamiques, propagent la même rhétorique et nouent des contacts avec des factions étrangères plus radicales lors d'événements qui réunissent l'ultradroite européenne. Il ne leur manque que le nom.

Dans le cadre d’une enquête transfrontalière menée conjointement avec le magazine néerlandais “De Groene Amsterdammer” et le collectif d’investigation “Bellingcat”, Knack et Le Vif se sont plongés pendant six mois dans l’univers de ces Active Clubs, aux Pays-Bas et en Belgique. Nous avons interrogé plusieurs experts et responsables de sécurité nationale et enquêté en sources ouvertes ; et nous avons littéralement mis les gants pour infiltrer ces organisations, en comprendre les rouages et en identifier les membres.

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Nos collègues de Knack ont produit une vidéo qui revient sur la genèse des Active Clubs formels et informels. Elle décortique la rhétorique de son fondateur, le néonazi américain Robert Rundo, et explique comment ses idées inspirent d'autres groupes nationalistes.

Cette enquête a été réalisée avec la participation du collectif d’investigation Bellingcat, de Lotte Lambrecht et Brecht Castel (Knack), ainsi que Samuel Verschoor et Or Goldenberg (De Groene Amsterdammer).